Thursday, November 20, 2008

Les Bobos dans les bédés

Le terme bourgeois bohème représente une contradiction de deux types de valeurs assez différents chez une personne, ou même une classe sociale. Pour être plus précise, il faut regarder deux exemples de son usage : la signification américaine et française.

Aux Etats-Unis, le terme bourgeois bohemian nome des gens aisés qui incarnent un croisement entre les valeurs utopistes, dit hippie ou bohème, des années 1960 et les valeurs individualistes (surtout économiquement) de l’époque du président Reagan, dit yuppie ou bourgeois.

En France c’est un peu différent. Bobo désigne des personnes qui vivent la vie bohème parce qu’ils ont l’argent et les moyens pour le faire. Plutôt fils de la bourgeoisie, ils conforment au stéréotype du bohème (la gauche traditionnelle) superficiellement. Dans sa chanson Les Bobos, le chanteur Renaud décrit le terme. Voici les paroles et un lien pour écouter la chanson.


On les appelle bourgeois-bohêmes
Ou bien bobos pour les intimes
Dans les chansons d'Vincent Delerm

On les retrouve à chaque rime
Ils sont une nouvelle classe
Après les bourges et les prolos
Pas loin des beaufs, quoique plus classes

Je vais vous en dresser le tableau
Sont un peu artistes c'est déjà ça
Mais leur passion c'est leur boulot
Dans l'informatique, les médias
Sont fiers d'payer beaucoup d'impôts


Ils vivent dans les beaux quartiers
Ou en banlieue mais dans un loft
Ateliers d'artistes branchés,
Bien plus tendance que l'avenue Foch
Ont des enfants bien élevés,
Qui ont lu le Petit Prince à 6 ans

Qui vont dans des écoles privées
Privées de racaille, je me comprends

Ils fument un joint de temps en temps,
Font leurs courses dans les marchés bios
Roulent en 4 x 4, mais l'plus souvent,
Préfèrent s'déplacer à vélo


Ils lisent Houellebecq ou Philippe Djian,

Les Inrocks et Télérama,
Leur livre de chevet c'est Cioran
Près du catalogue Ikea.
Ils aiment les restos japonais

et le cinéma coréen


Passent leurs vacances au cap Ferret
La Côte d'Azur, franchement ça craint
Ils regardent surtout ARTE
Canal plus, c'est pour les blaireaux
Sauf pour les matchs du PSG
Et d'temps en temps un p'tit porno


Ils écoutent sur leur chaîne hi-fi
France-Info toute la journée
Alain Bashung Françoise Hardy
Et forcément Gérard Manset
Ils aiment Desproges sans même savoir

Que Desproges les détestait
Bedos et Jean-Marie Bigard,

Même s'ils ont honte de l'avouer
Ils aiment Jack Lang et Sarkozy
Mais votent toujours Ecolo
Ils adorent le maire de Paris,

Ardisson et son pote Marc-O

La femme se fringue chez Diesel
Et l'homme a des prix chez Kenzo
Pour leur cachemire toujours nickel
Zadig & Voltaire je dis bravo

Ils fréquentent beaucoup les musées,
Les galeries d'art, les vieux bistrots

Boivent de la manzana glacée
En écoutant Manu Chao
Ma plume est un peu assassine

Pour ces gens que je n'aime pas trop
Par certains côtés, j'imagine...

Que j'fais aussi partie du lot


La figure du bourgeois bohème est très présente chez les bandes dessinées de Claire Bretécher et Dupuy-Berberien.

Bretécher, qui a commencé sa carrière de dessinatrice en 1963 avec Goscinny, dédie les albums de sa série Les Frustrés aux « conformistes de l’anticonformisme… les snobs, les fils de bourgeois gauchisants, les mous, les durs, les sexistes, les féministes, les parents laxistes et leurs affreux jojos. » *Florence Montreynaud

Les personnages représentés dans les planches savent surtout parler. Ils (pour la plupart de la BD il s’agit en fait d’elles) connaissent les valeurs qu’ils sont censés de vivre mais continuent toujours dans leurs rôles traditionnels, continuent à promulguer les valeurs bourgeois dont ils étaient élevés. Enfin, ils sont hypocrites. Les femmes parlent de la libération, du féminisme, de la solidarité mais continuent à chercher leur mec. Les amoureux montrent qu’ils s’en fichent du monde, s’embrassent sans honte en publique, mais après tout sont comme tous les autres couples avec tous les mêmes problèmes. Les hommes se pensent ouverts d’esprit, mais ils restent sexistes. Il y a beaucoup d’autres exemples.

Philippe Dupuy et Charles Berbérian, qui ont collaboré depuis 1983, exemplifient le bobo à travers leur personnage Monsieur Jean et ses amis. L’histoire principale dans la bande dessinée est que Jean se conforme à l’idée du célibataire parisienne, ayant trop peur de se consacrer à une relation sérieuse avec Cathy. Ses amis aussi, se contredisent es se pensant très originaux et intuitifs, mais finissent par agir des manières traditionnels, comme voulant effacer la seul mémoire de l’artiste des années 1920 pour vendre le Rembrandt hypothétique qui était caché en dessous.


D’autres remarques sur Les Frustrés

  • Il y a deux extrêmes de style dans la BD de Bretécher. Dans la moitié des planches, le texte est le plus important, quelque fois il n’y pas même de grand changement dans le scenario. Dans l’autre moitié, il n’y presqu’aucun texte et donc l’image doit raconter tout.

  • La bande dessinée est composé de petites histoires, pas plus longues qu’une planche. Dans son intervention, Lisa Mendel a dit qu’une de ses influences était Bretécher, et on peut faire la même organisation dans ses œuvres, comme Nini Patalo.
  • Ma planche préféré s’appelle La Création (ou la procrastination)
  • La mode des pantalons serrés !
  • Dans une des dernières planches il y a une référence à une chanson d’Iggy Pop, un des instigateurs du mouvement punk. Voilà un lien pour écouter Funtime.